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Ressources humaines

La gestion dissociée des praticiens et des non-médicaux a encore de beaux jours devant elle

Aux directions des affaires médicales les praticiens, aux DRH les autres hospitaliers. Entre eux, deux gestions que tout oppose avec des bribes organisationnelles d'un côté, une maturité managériale de l'autre. Et cette désynchronisation n'est pas prête de disparaître même si la qualité des soins s'en ressent. Témoignages au colloque de l'Adrhess.Parviendra-t-on un jour à une gestion commune et partagée de l'ensemble des personnels d'un hôpital et de facto des praticiens comme des non-médicaux ? Rien est moins sûr, à entendre les intervenants au colloque annuel de l'Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess) ce 7 mars à Paris. C'est même mission quasi impossible et pas seulement à cause du poids de l'histoire hospitalière et statutaire dans ce distinguo mais aussi en raison actuellement de la territorialisation en cours de l'offre de soins à l'heure des groupements hospitaliers de territoire (GHT).

"Ça devrait être conciliable mais c'est compliqué..."

Le credo de la synchronisation des temps, chère à l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), qui y a d'ailleurs consacré un guide à l'été 2014 (lire notre article) avec une nouvelle version annoncée pour avril, n'aura donc pas fait long feu. "On a visé des gains d'efficience en voulant rapprocher ces deux gestions mais avec cette territorialisation, on n'a plus tellement la possibilité de mener ces deux dossiers de front. Directeur des affaires médicales (Dam) à temps plein, c'est déjà très chronophage...", glisse ainsi Sophie Léonforte, qui combine depuis un an la double casquette de Dam et de directrice des ressources humaines (DRH) au CH de Villefranche-sur-Saône (Rhône). Un double rôle déséquilibré puisqu'à 70% consacré aux praticiens contre seulement 30% aux non-médicaux. La raison à cela ? Le praticien veut avant tout discuter en direct avec son Dam, comme s'il s'agissait d'un signe de reconnaissance de parvenir à échanger avec lui plutôt qu'avec l'un de ses adjoints.

Pourtant, avant cette fonction de DRH-Dam, l'époque 100% DRH maintenait l'espoir d'une possible conciliation des temps avec l'idée que cette double casquette serait justement un atout pour y parvenir. "Oui, ça devrait être conciliable mais c'est plus compliqué en réalité, souligne aujourd'hui l'intéressée. On garde la foi mais les niveaux de maturité sont extrêmement différents en matière de gestion RH." En résumé : la double casquette offre certes "un sens général" mais les deux cadres de gestion restent profondément différents. "J'aimerais pourtant vous dire le contraire car il y a des choses à optimiser", ajoute Sophie Léonforte, citant entre autres à l'instar de l'Anap les visites du médecin, les congés, le planning des blocs opératoires (lire notre article), les secrétariats médicaux, etc.

Miser sur le projet social et la promotion des potentiels

Par ailleurs, la tension démographique sur certaines spécialités médicales ne positionne pas les directions en position de force dans ce dialogue. Sur le terrain, ce qui remonte c'est l'existence de maquettes organisationnelles pour les non-médicaux mais uniquement des trames pour les praticiens et, dans certains cas, pour les seuls services en temps continu. "Il est très difficile d'aborder ces questions", constate la directrice de Villefranche-sur-Saône, car cela supposerait en échange du décompte horaire par exemple une meilleure surveillance des justificatifs d'absence, des congés, etc. "Mon rêve ? ajoute Sophie Léonforte, qu'un logiciel du temps de travail unique affiche sur une même trame les personnels médicaux et non médicaux". Mais malheureusement les outils informatiques peinent à gérer à l'heure actuelle le décompte en heure ou à la demi-journée et, plus globalement, une succession de réformes sans discontinuer ces dernières années. "C'est un dossier relativement sensible, abonde Armelle Drexler, Dam aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (Bas-Rhin). On peut facilement mettre le feu en sursollicitant pour ces sujets les chefs de service et de pôle."

L'ancien directeur des hôpitaux désormais médiateur national pour le compte du ministère des Affaires sociales et de la Santé (lire notre article), Édouard Couty, ne dit pas autre chose mais la priorité, à l'entendre, n'est quoi qu'il en soit plus là. Pour lui, envisager de front la fin de cette gestion dissociée, c'est aller dans le mur. Pas question pour autant de tout balayer d'un revers de main. "Il faut amorcer cette gestion en commun sur le projet social et la promotion des potentiels", préconise-t-il. À l'entendre, cela peut éventuellement permettre "une acculturation progressive" puis peut-être à terme une gestion commune. À tout le moins donc, il s'agit avant tout de faire a minima en sorte de répondre aux attentes communes aux personnels médicaux et non médicaux en laissant de côté l'aspect technique. C'est la qualité des soins, la qualité de vie au travail, etc. Et pour enclencher encore plus facilement le processus, il serait bienvenu de ne pas confier ces travaux de synchronisation aux DRH et Dam mais, dixit Sophie Léonforte, "dans la dentelle sur le terrain, dans les services voire les pôles. C'est en effet d'abord aux chefs de service ou de pôle et aux cadres supérieurs de détricoter les organisations."

Des séances de codéveloppement pour partager les conséquences

Pour éviter de fâcher les esprits, Catherine Hardy, coordinatrice générale des soins au CH de Bigorre à Tarbes (Hautes-Pyrénées), incite à organiser des séminaires pluriprofessionnels mêlant médecins, directeurs et autres managers. Organisés dans un lieu neutre et donc en dehors du site d'exercice quotidien, ils amènent les participants à exposer leurs critiques sur telle organisation, à exprimer leur ressenti sur les difficultés quotidiennes d'une vie d'équipe, etc. Ces "séances de codéveloppement", explique la responsable, permettent sans cris de "partager les conséquences sur l'ensemble des professionnels de cette désynchronisation des temps médicaux et non médicaux".

Thomas Quéguiner

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