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La crise sanitaire met la lumière sur la précarité des praticiens à diplôme hors UE

Avec l'annonce des textes d'application de Ma Santé 2022, un nouveau pas s'annonçait vers la reconnaissance des praticiens à diplôme hors Union européenne. Mais la crise sanitaire rebat les cartes et suscite indignation et inquiétude.

En cette période de pandémie, certains médecins aux statuts précaires n'hésitent pas à se mobiliser et à permettre, avec leurs confrères, de prendre en charge l'afflux de patients, notamment dans les services de réanimation et d'urgences. Le 5 avril, dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre, treize de ces confrères ont pris la plume pour mettre en lumière la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), à l'initiative du Pr Amine Benyamina, psychiatre et président de la Fédération française d’addictologie. Car au cœur de la crise, les quelque 5 000 Padhue de France se mobilisent parmi les équipes, alors même que leur situation tarde toujours à s'éclaircir.

Un "souci de justice"

"Ces médecins à diplôme étranger qui luttent au quotidien méritent la reconnaissance de la République pour leur engagement en première ligne alors que leur salaire est souvent dérisoire par rapport à ceux de leurs collègues, et qu'ils risquent de retourner à la précarité et à l'incertitude sur leur avenir en France une fois la crise surmontée", écrivent les signataires au Premier ministre Édouard Philippe. Ils estiment ainsi que "leur courage ne doit pas rester sans reconnaissance de la Nation". C'est pourquoi ils demandent, "par souci de justice", d'engager immédiatement l'intégration pleine et entière dans le système de santé de tous ces praticiens. Il s'agit de ne pas occulter leur dévouement "comme cela a pu être le cas dans certaines périodes de l'Histoire de notre pays" et de permettre aux Padhue de poursuivre leur mission au service des malades, une fois la pandémie passée. Cette tribune a donné lieu à une pétition en ligne qui, à l'heure où nous publions, a réuni plus de 2 300 signatures.



Cette prise de position intervient tandis qu'en amont de la crise sanitaire, la situation des Padhue tardait déjà à se résoudre. Le 7 janvier dernier, interrogé lors d'une séance de questions au Gouvernement, Adrien Taquet, le secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, indiquait que les textes d'application de la loi de Santé de 2019 (lire notre article) concernant le recrutement des Padhue, devaient être transmis au Conseil d'État dans les "semaines à venir". Il avait aussi précisé que le recensement des places mises chaque année au concours par spécialité, dit de la "liste A", se ferait en lien avec les ARS et les établissements de santé, "de façon à répondre au mieux et au plus près aux besoins des territoires" et du système de santé. Aujourd'hui qu'advient-il de ce recensement et de la publication de ces textes très attendus ?

Il semble que la crise sanitaire a sérieusement ralenti l'avancée de ces travaux, qui visent pourtant à modifier "de façon substantielle", avait explicité Adrien Taquet, les conditions dans lesquelles les Padhue sont autorisés à exercer en France. Interrogée par Hospimedia lors de sa conférence de presse quotidienne ce 7 avril, le directeur général de la santé, le Pr Jérôme Salomon, a reconnu que ces praticiens "aident déjà et sont déjà intégrés dans beaucoup de réponse d'urgence". Il s'agit, a-t-il poursuivi, d'un sujet qui est traité depuis longtemps, celui de "l'accès de praticiens en soutien" au système de santé.

Une participation à la crise cadrée

En cette période de crise, les Padhue sont présentés comme une main d'œuvre mobilisable de manière très officielle. En témoigne le décret publié au Journal officiel le 31 mars relatif "à l'exercice dans certains territoires d'outre-mer des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par des personnes ne remplissant pas les conditions de nationalité et de diplôme". Lors de son audition devant les députés, le lendemain de cette publication, le Premier ministre a confirmé qu'un recours "facilité et accru à des médecins hors diplôme européen", en l'occurence des médecins cubains, serait mis en place en outre-mer. Mais en métropole aussi, la mobilisation des Padhue est encouragée.

Dès le 24 mars, une "communication" sur les possibilités pour les établissements de santé de recruter des Padhue dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, était mise en ligne sur le site du Centre national de gestion (CNG). Une version actualisée est de nouveau publiée sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé ce 8 avril. Ces textes visent à éclaircir la manière dont, dans ce contexte épidémique, des Padhue, non actuellement autorisés à exercer la médecine en France, "se portent volontaires en renfort de l’activité de la communauté médicale et soignante".

"Des fonctions non médicales"

Trois cas de figure se distinguent. D'abord, celui des Padhue actuellement en exercice ou en période probatoire dans un établissement de santé et souhaitant soit augmenter leur quotité de temps de travail, "soit prêter main forte dans un établissement plus exposé à un afflux de patients". Puis, la situation spécifique des Padhue dans certains territoires ultra-marins, comme énoncé précédemment. Enfin, celle des Padhue n’exerçant pas actuellement en France. Il est explicité en conclusion que "l’ensemble de ces praticiens exerceront des fonctions non médicales — fonctions de type aide-soignant, d’accueil et d’orientation... — d’appui auprès des équipes soignantes les plus mobilisées par la gestion de crise dans le cadre de contrats de travail conclus par les établissements de santé, en qualité de collaborateurs occasionnels du service public (COSP)".

"Des collaborateurs occasionnels" dont le sort sur le long terme reste en suspens. "Nous comprenons que la priorité aille à la crise et nous sommes solidaires. Nous encourageons tous les Padhue à se mobiliser", confie à Hospimedia le Dr Patricio Trujillo vice-président de la Fédération des praticiens de santé (FPS).

Une reconnaissance "par la grande porte"

Faut-il une intégration massive des Padhue à l'issue de la crise ? Patricio Trujillo refuse que ces professionnels deviennent des "médecins de deuxième chambre". "La FPS a toujours souhaité une reconnaissance par les compétences, nous souhaitons une intégration des Padhue par la grande porte", résume-t-il. Dans un communiqué daté du 30 mars, le syndicat explique en effet qu'il "n'a cessé de proposer une procédure pérenne en vue de l'intégration des médecins étrangers basée sur l'excellence en passant par une procédure d'évaluation sélective certes mais identique et compatible au mode d'exercice des médecins en France et au sein de la communauté européenne." La FPS propose, devant la contrainte imposée par la crise sanitaire, d'adapter le calendrier envisagé par le Gouvernement. "Dans l'immédiat [...], il faudra accélérer et élargir les modalités de dépôts de dossiers au niveau des commissions régionales d'équivalence qui sera définitivement clôturée en 2021 pour les 5 000 Padhue non-titulaires actuellement sur le territoire français", prévient-elle notamment. Par ailleurs, sur la même ligne que le Syndicat national des Padhue (SNPadhue), la FPS demande à la DGOS d'ouvrir d'ores et déjà 900 postes sur la fameuse "liste A". Une revendication formulée à l'origine dans le contexte de pénurie médicale mais qui trouve pour les syndicats un autre impératif à la lueur de la crise actuelle.

De l'action, c'est aussi la demande de SOS Padhue transmise ce 8 avril à Édouard Philippe. Dans ce courrier, l'association rappelle qu'il faut à son sens aller au-delà des mesures envisagées par Ma Santé 2022. "Parmi les Padhue, des médecins à diplôme étranger exercent en tant qu'infirmiers dans les Ehpad. Et nous n’avons pas été considérés par la loi de Santé de juillet 2019, puisqu'elle ne prévoit pas de solution pour ceux qui exercent au sein de ces structures médico-sociales", confie à Hospimedia la présidente de l'association, Rachida Hireche, médecin généraliste de formation. Ils seraient environ 150 médecins diplômés hors Union européenne à exercer en tant qu'infirmier en Ehpad, "alors que [leurs] compétences de médecins sont clairement utilisées à ces postes", souligne Rachida Hireche. Ils sont pourtant, eux aussi, fortement mobilisés sur le front du Covid-19.

Clémence Nayrac

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